C.N.E.S.

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Depuis 1961, la France dispose d’un organisme chargé de mettre en application les décisions de la politique spatiale française. Il s’agit du Centre national d’études spatiales (C.N.E.S.) qui, avec le concours de l’industrie, a placé la France, en moins de trois décennies, aux premiers rangs des nations spatiales.

Toutefois, les premières réalisations françaises en matière spatiale apparaissent bien antérieurement à la création du C.N.E.S.; elles résultent des études et des recherches conduites par des pionniers, de l’héritage légué par l’Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale et des acquis de quelques laboratoires et sociétés qui, de 1945 à 1961, permettent à la France de ne pas se laisser trop distancer par les deux puissances spatiales majeures que sont les États-Unis et l’Union soviétique.

Les premiers temps de l’espace français

Deux personnalités ont fortement marqué les débuts de l’astronautique française. Le premier est Robert Esnault-Pelterie, qui en jette les bases théoriques dès 1912 et qui, de 1934 à 1937, fait fonctionner au banc, à Satory, près de Versailles, les premiers moteurs-fusées français à ergols liquides. Le second est le colonel Jean-Jacques Barré, qui réalise sous l’Occupation la première fusée à ergols liquides française, la EA-1941; celle-ci effectuera son premier vol après la Libération, le 15 mars 1945, à l’Établissement d’expériences techniques de La Renardière, près de Toulon.

1945 est l’année où la France découvre l’avance prise par l’Allemagne dans le domaine des fusées. En 1946 et en 1947, des ingénieurs allemands venant de Peenemünde arrivent à Vernon, dans l’Eure, au Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (L.R.B.A.) et constituent avec les ingénieurs français les premières équipes chargées de concevoir et de réaliser des fusées. Pour l’heure, on songe à des missiles balistiques dans la droite ligne des V2 mais ces projets sont rapidement abandonnés pour faire place, le 15 mars 1949, à l’étude d’une fusée-sonde qui prendra le nom de Véronique.

À cette époque, les scientifiques commencent à s’intéresser à la haute atmosphère; en France, cette étude est parrainée par le Comité d’action scientifique de la Défense nationale. C’est dans ce contexte que la réalisation de Véronique est décidée par la Direction des études et fabrications d’armement, qui la confie au L.R.B.A. En fait, cette fusée-sonde vise deux objectifs: contribuer à l’étude du fonctionnement en vol d’un moteur-fusée; servir à l’exploration de l’atmosphère jusqu’à une altitude de 65 kilomètres en emportant une masse d’équipements scientifiques fixée à 65 kilogrammes.

Compte tenu du savoir-faire français, à l’époque limité, tout ou presque tout – l’architecture générale de l’engin, la propulsion, le guidage, etc. – est à inventer. Le premier prototype de Véronique effectue son premier vol à Vernon en avril 1951, avec succès; puis d’autres lancements ont lieu depuis les champs de tir du Cardonnet et de Suippes, respectivement dans le sud et dans l’est de la France. L’ensemble de ces vols satisfaisants permet alors de réaliser la Véronique N opérationnelle. Du 20 mai 1952 au 21 avril 1953, onze exemplaires de cette version seront lancés d’Hammaguir, tout nouveau champ de tir situé dans le Sahara algérien, près de Colomb-Béchar.

On se rend cependant compte à cette époque que l’altitude maximale de 70 kilomètres est insuffisante pour faire des sondages intéressants. Avec une nouvelle version dénommée Véronique NA, on vise donc 135 kilomètres.

Parallèlement au déroulement du programme Véronique, Jean-Jacques Barré avait poursuivi ses propres travaux concernant la propulsion et les fusées. Après la fusée EA-1941, qu’il essaya une dernière fois au point fixe en 1946 au mont Valérien, il se lança dans la réalisation d’un engin à oxygène liquide et essence qu’il baptisa Éole-1946. Un premier essai eut lieu, le 4 février 1949, au point fixe no 1 du L.R.B.A. qui venait juste d’être achevé. Des essais en vol auront lieu les 22 et 24 novembre 1952 à Hammaguir avec une autre version dénommée Éole-1951. Cet engin d’une masse de 3 tonnes équipé d’un moteur de 10 tonnes de poussée à oxygène liquide et alcool subira, hélas! deux échecs en vol consécutifs, ce qui mettra un terme aux travaux de Barré et repoussera de plus de dix ans l’utilisation de moteurs à oxygène liquide. Le choix de l’acide nitrique retenu pour Véronique semblait à l’époque plus sûr pour une utilisation dans les conditions climatiques d’Hammaguir.

La communauté spatiale internationale avait décidé de faire de 1957-1958 l’Année géophysique internationale. À cette occasion, on engage la réalisation d’une nouvelle version de Véronique qui, pour la circonstance, est appelée Véronique AGI et à laquelle est confiée la mission d’emporter la même masse de 65 kilogrammes à l’altitude de 210 kilomètres.

Des modifications importantes sont apportées, surtout au niveau du moteur et de son refroidissement. On remplace le kérosène par de l’essence de térébenthine afin d’améliorer les performances. Avec Véronique AGI, un taux de succès de 81,5 p. 100 sera atteint sur quarante-huit lancements intervenus à Hammaguir et à Kourou de 1959 à 1969. Une Véronique AGI sera d’ailleurs la première fusée lancée du tout nouveau Centre spatial guyanais de Kourou, le 9 avril 1968. Ce fut aussi avec une Véronique AGI que, le 22 février 1961, le rat Hector effectua un vol de plus de huit minutes culminant à 110 kilomètres, constituant ainsi la première expérience française d’envoi d’un animal dans l’espace.

Les excellents résultats obtenus avec Véronique AGI incitent bien évidemment les scientifiques et les ingénieurs à réaliser une version plus puissante – Véronique 61 –, capable d’emporter une charge plus lourde à une altitude plus élevée. La masse au décollage passe de 1 340 à 1 930 kilogrammes, la poussée du moteur de 4 à 6 tonnes, la durée de combustion de quarante-neuf à cinquante-quatre secondes et l’altitude maximale de 210 à 315 kilomètres.

Jusqu’en 1960-1961, l’essentiel des travaux français en matière spatiale a donc consisté à mettre au point une fusée, en l’occurrence Véronique, élément indispensable à l’envoi d’une charge utile en orbite. Toutefois, compte tenu de la taille modeste de Véronique, un long chemin restait encore à faire pour disposer d’un réel lanceur spatial.

L’avènement du C.N.E.S.

Les lanceurs

Conscient de l’importance que prendraient les activités spatiales, le gouvernement français décide, le 19 décembre 1961, de créer le Centre national d’études spatiales, cette création devenant effective le 1er mars 1962. Sa mission est alors d’orienter et de développer les recherches nécessaires à la mise en œuvre de moyens spatiaux.

1962, première année de fonctionnement du C.N.E.S., est riche de décisions. Dès le 29 mars, la France signe avec cinq États européens (R.F.A., Belgique, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) et l’Australie une convention créant le Centre européen pour la construction de lanceurs d’engins spatiaux/European Launcher Development Organization (C.E.C.L.E.S.E.L.D.O.). La réalisation du satellite scientifique FR1 est aussi décidée.

Le C.N.E.S. passe également commande au L.R.B.A. de dix fusées-sondes Vesta, extrapolation de Véronique équipée d’un moteur de 16 tonnes de poussée. C’est l’époque où la France peut s’enorgueillir de posséder une panoplie étendue de fusées-sondes, tant à ergols liquides qu’à propergol solide, pouvant être lancées à des altitudes variant entre 100 et 2 000 kilomètres. Hormis les fusées-sondes du L.R.B.A., on peut noter les véhicules Bélier, Centaure, Dragon, Dauphin et Éridan, à propulsion à poudre, de Sud-Aviation, les fusées Tacite et Titus de l’O.N.E.R.A. et Rubis de la Société pour l’étude et la réalisation d’engins balistiques (S.E.R.E.B.). On trouve également les fusées météorologiques Aurore de la S.N.E.C.M.A., Lex à propulsion hybride de l’O.N.E.R.A. et Emma de Matra.

Avec les succès spatiaux des Américains et des Soviétiques, le problème de l’accession de la France au rang de puissance spatiale s’est posé dès 1960-1961. Cela impliquait la mise en orbite d’un satellite, donc la possession d’un lanceur national.

Parallèlement à l’espace civil, des études pour la réalisation de missiles balistiques étaient menées depuis 1959. La France, qui, là aussi, avait tout à concevoir, se lança dans un programme d’études balistiques de base destiné à acquérir les technologies de guidage, de propulsion et autres nécessaires à la mise sur pied d’une force de dissuasion nucléaire.

Aux États-Unis et en Union soviétique, on avait démontré qu’un missile balistique pouvait être transformé en lanceur spatial. Ainsi, le 18 décembre 1961, le Comité des recherches spatiales, qui avait été créé le 7 janvier 1959, décide la réalisation d’un lanceur qui prend le nom de Diamant A. Dans ce but, un accord est conclu, le 9 mai 1962, entre la Délégation ministérielle pour l’armement et le C.N.E.S. Diamant A sera un lanceur à trois étages dont le premier, équipé d’un moteur Vexin de 28 tonnes de poussée à acide nitrique et essence de térébenthine, a été conçu par le L.R.B.A. dans la lignée des moteurs de Véronique, alors que le deuxième et le troisième étage sont à poudre.

Le 26 novembre 1965, à 15 h 47 min, le premier lanceur français, Diamant A, décolle de la base Brigitte, à Hammaguir; quelques minutes plus tard, le premier satellite français, Al Astérix, de 42 kilogrammes, est placé sur une orbite de 527 kilomètres de périgée et de 1 768 kilomètres d’apogée, inclinée à 34,2 degrés. Ce succès sera suivi de trois autres, en 1966 et en 1967.

L’indépendance de l’Algérie, intervenue avec les accords d’Évian en 1962, contraint la France à fermer le champ de tir d’Hammaguir le 1er juillet 1967. Mais un autre champ de tir était né à Kourou, en Guyane, le 16 avril 1964. C’est du Centre spatial guyanais que décolle le premier Diamant B, le 10 mars 1970, et le premier Diamant BP4, le 6 février 1975. Avec les trois versions de Diamant, dix succès sur douze lancements seront enregistrés.

Malgré toute la satisfaction obtenue avec le programme Diamant, la faible capacité de ce lanceur ne lui permet de mettre en orbite que des petits satellites scientifiques alors que la demande est de plus en plus orientée vers des satellites d’application. L’avenir est donc aux lanceurs lourds. Le 14 octobre 1974, alors que le programme Ariane a été lancé depuis quelques mois, le Conseil restreint sur l’espace décide l’abandon du programme Diamant. C’est la fin d’une grande épopée, celle des pionniers. Une page d’histoire se referme.

La relève de Diamant avait été préparée. Le L.R.B.A. travaillait sur un moteur de 60 tonnes de poussée à turbopompe appelé Viking, et la S.E.P.R. (Société d’étude de la propulsion par réaction, qui donnera naissance en 1969 à la Société européenne de propulsion, la S.E.P.) étudiait depuis 1962 un moteur à oxygène et à hydrogène liquides, prédécesseur du moteur du troisième étage d’Ariane-1 à -4. En juillet 1967, ce moteur est mis à feu au banc d’essai: la France devient le deuxième pays, après les États-Unis, a avoir conçu et fait fonctionner un moteur à hydrogène.

À partir du milieu de la décennie 1960, c’est la coopération européenne qui occupe la place la plus importante avec la réalisation des lanceurs lourds Europa I et II. Pour ceux-ci, la France a la responsabilité de la réalisation du deuxième étage Coralie. Mais, à la suite des échecs répétés d’Europa, l’Europe spatiale va traverser une crise grave qui s’arrêtera toutefois en 1973 avec la création de l’Agence spatiale européenne (E.S.A.) et l’avènement du lanceur européen LIIIS proposé par le C.N.E.S. et qui prendra, par la suite, le nom d’Ariane.

Le premier vol d’Ariane-1, qui intervient le 24 décembre 1979, justifie les choix techniques et l’organisation industrielle choisis.

Les versions Ariane-2, -3 et -4 vont se succéder, permettant un accroissement de la masse satellisable d’un facteur de l’ordre de 2,5.

Les satellites

En matière de satellites, la politique du C.N.E.S. a été tout aussi active. Ces satellites, d’application pour la plupart, couvrent aussi bien les télécommunications (série des Télécom-1 et 2), la télédiffusion directe (T.D.F.-1, 1986, et T.D.F.-2, 1990), la télédétection (série des S.P.O.T.) et la météorologie (série des Météosat). Le C.N.E.S. a aussi mis en orbite des charges utiles spécifiques embarquées sur satellites et destinées à la localisation et à la collecte de données (Argos), à la recherche et au sauvetage (Cospas-Sarsat). Si, au cours des décennies 1960 et 1970, de nombreux satellites technologiques ou scientifiques ont été réalisés dans un but purement national, ceux-ci sont aujourd’hui conçus en coopération européenne. Ce fut le cas, notamment, de la sonde Giotto, qui observa la comète de Halley en 1986; c’est le cas du satellite d’astronomie infrarouge I.S.O. (Infrared Space Observatory).

Parmi les satellites d’application les plus performants réalisés en France, citons les satellites d’observation de la Terre S.P.O.T., dont le premier exemplaire a été mis sur orbite héliosynchrone en février 1986 par Ariane. Ces satellites, exploités par la société SpotImage, fournissent des images à haute résolution (détection d’objets de l’ordre de 10 m de côté). Ces images sont utilisées pour la cartographie, la géologie, l’agriculture, l’hydrologie, l’urbanisme, etc.

Les coopérations

Si l’espace français fut à ses débuts à finalité nationale, il s’engagea aussi largement et très tôt dans une coopération internationale. Le C.N.E.S. conclura de nombreux accords bilatéraux et multilatéraux tant pour la réalisation et le lancement de satellites que pour l’accomplissement d’expériences scientifiques. Ainsi, un accord est conclu en 1963 avec les États-Unis pour le lancement du satellite FR1. Les deux satellites de télécommunication Symphonie (lancés en 1974 et 1975) sont réalisés conjointement par la France et la République fédérale d’Allemagne. Un accord est aussi signé avec l’Argentine pour effectuer des lancements de fusées-sondes depuis son territoire. En 1966, un accord de coopération spatiale franco-soviétique est signé. Depuis cette date, de nombreux travaux scientifiques sont ainsi engagés avec l’Union soviétique, puis avec la Russie: dépôt d’un réflecteur laser français sur la Lune par la sonde Luna-17, étude des sursauts solaires (expérience Stéréo-1 sur la sonde soviétique Mars-3), cartographie des sources de rayonnement gamma cosmique avec le satellite Granat. Le fait le plus spectaculaire de cette coopération franco-soviétique demeure toutefois l’envoi des spationautes français (le premier sera Jean-Loup Chrétien à bord de la station Saliout-7, en juin 1982, puis de Mir, en 1988).

Une coopération a également été établie avec la N.A.S.A.; elle a permis au deuxième spationaute français, Patrick Baudry, de participer à un vol de la navette américaine en juin 1985. En mars 1987, le C.N.E.S. signe un accord avec la N.A.S.A. pour la réalisation de la mission d’océanographie spatiale Topex/Poseidon, lancée le 10 août 1992. Mais c’est bien en Europe, et plus particulièrement avec l’Agence spatiale européenne, que les coopérations les plus nombreuses et les plus importantes ont été conduites, tant en matière de lancement de satellites que de recherche scientifique.

Les moyens du C.N.E.S.

Le budget du C.N.E.S. et ses effectifs n’ont cessé de croître, traduisant ainsi la volonté des gouvernements successifs de faire de la France l’une des premières nations spatiales mondiales, au rôle majeur en Europe.

Ses moyens techniques et son personnel sont répartis en quatre sites. Hormis le siège, situé à Paris, le C.N.E.S. dispose du Centre spatial de Toulouse, du Centre spatial guyanais et de la Direction des lanceurs, à Évry.

Le Centre spatial de Toulouse (C.S.T.) est chargé des études, du développement et de l’exploitation des systèmes et moyens spatiaux, à l’exception des moyens de transport spatiaux; le Centre de lancements de ballons d’Aire-sur-l’Adour fait également partie du C.S.T.

Le Centre spatial guyanais (C.S.G.), situé à Kourou, en Guyane, et dont les installations s’étendent le long de la côte atlantique, assure les lancements de satellites avec les lanceurs européens Ariane. Pour cela, il dispose:

– de trois Ensembles de lancement Ariane (E.L.A.-1, -2 et - 3) utilisés pour l’assemblage, le contrôle du lanceur et son lancement; E.L.A.-3, est spécifique au lanceur Ariane-5;

– d’Ensembles de préparation de charges utiles mis à la disposition des clients pour la préparation de leurs satellites;

– d’un centre météorologique;

– de moyens de localisation optique et radar destinés à contrôler la trajectoire;

– de stations de réception de télémesure complétées par des stations implantées près de Natal au Brésil, sur l’île d’Ascension et près de Libreville, au Gabon, qui enregistrent les données transmises au cours du vol;

– des moyens de communication;

– d’un centre de contrôle de lancement; – enfin, de divers moyens logistiques.

La Direction des lanceurs d’Évry, située en région parisienne, a la responsabilité de l’ensemble des missions associées au transport spatial, en particulier celle du développement des lanceurs.

Par ailleurs, dans son rôle fédérateur de l’effort national dans le domaine spatial, le C.N.E.S. s’efforce de développer les savoir-faire et les compétences scientifiques et industrielles. Ainsi, il possède des participations dans des sociétés et participe à de nombreux groupements d’intérêt économique dans des secteurs d’activité aussi différents que le transport spatial, avec Arianespace, l’observation de la Terre, avec SpotImage, la valorisation et le transfert des technologies spatiales vers l’industrie non spatiale, avec Novespace... Le C.N.E.S. poursuit, voire intensifie, des programmes scientifiques relatifs à l’océanographie, à la météorologie, à la géodésie, à l’astrophysique, à l’exploration du système solaire, à la biologie, à la physiologie et à la médecine spatiales, ainsi qu’aux sciences physiques en microgravité.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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